Monument du chambara (« film de samourai »), Hitokiri est un film qui fut longtemps invisible. La famille de Yukio Mishima en avait interdit la projection en raison d’une scène où le célèbre écrivain, acteur à ses heures perdues, se tranche le ventre, anticipant son suicide par seppuku, un an plus tard. Qu’on ne s’y trompe pas, ce n’est pourtant pas la rareté et ce parfum de controverse qui expliquent la réputation d’Hitokiri.
Ecrit par Shinobu Hashimoto, un géant du scénario, (Rashomon et Les Sept Samouraïs, c’était lui !) le film raconte la chute tragique en forme d’ascension ambigüe d’un sabreur-clochard manipulé par un politicien machiavélique. Etrange variation sur le thème d’Icare, le film met en scène l’éblouissement du sans-grade devant l’appétit de pouvoir de son mentor vers lequel il croit sans cesse se hisser.
Loin de juguler la violence à l’œuvre dans le récit, la rigueur insensé du découpage qui ne rechigne devant aucun plan-séquence, la décuple. Sans doute parce qu’ils propulsent les personnages vers leur destin odieux, chaque coup de sabre dans ce film acquiert une intensité parfaitement traumatisante.
Christophe Gans