Italie, Mère de tous les Bis…

Ah, l’Italie, fier berceau de la civilisation occidentale ! N’était-il pas temps, après sept éditions de notre tour du monde sur celluloïd, d’accoster enfin aux basques de la péninsule maroquinière qui fut un temps la Mecque du cinéma ? Cette 8ème escale sonne donc, pour Hallucinations Collectives, comme un mea culpa, l’aveu honteux de notre procrastination. C’est bien sur ces beaux rivages colorés qui donnent toujours l’impression lorsqu’on les aborde d’être cadrés en cinemascope que nous aurions dû commencer notre long traveling sur le cinéma mondial.

L’Italien est sanguin, sophistiqué, vif et… vicieux. D’ailleurs c’est bien connu, les mains de l’Italien sont baladeuses, imprégnant de leur présence moite jusqu’aux accents chantant de sa langue maternelle, puisque l’Italien, comme chacun sait, parle avec les mains. Et si l’on veut comprendre l’Italien, ce fier gominé, il faut savoir en apprécier le vice. L’Italie et le vice, nous expliquent les livres d’Histoire, c’est une longue relation incestueuse, débutée aux effluves grasses des agapes où l’ancêtre de l’Italien moderne, langoureusement allongé sur de petits bancs capitonnés de peaux d’esclaves, se faisait vomir en mangeant pour pouvoir manger plus, et finissait dans la confusion par manger son propre vomi (et parfois même celui de son voisin de table). Il faut savoir qu’à l’époque, l’Italien ne quittait jamais complètement son lit puisqu’il se drapait dans sa literie pour sortir : toujours à moitié à poil, un pied dans son lupanar, forcément, l’Italien n’était pas spécialement encouragé à l’ascèse. Le mot perversion même vient du latin perveto (« mettre sens dessus dessous ») – latin qui fut, faut-il le rappeler, le soutien verbal des gestes faits avec les mains que les romains de l’époque s’échangeaient pour communiquer. Est il encore nécessaire d’en rajouter ?

L’Italien est vicieux, c’est un fait. Loin de nous l’idée de le lui reprocher ! Que celui qui ne frémit d’excitation fiévreuse à l’évocation d’un Coliseum où se bousculaient les romains pour assister à d’ardents ébats de chair et de sang baisse le pouce pour le condamner, ce pervers hidalgo du levant ! L’époque moderne cependant a contraint l’Italien à réfréner un comportement gangrené par le vice, à troquer ses dépravations pour une conduite politiquement correcte bon teint qui le range aux pas des nations pas marrantes. Il n’est plus question, par exemple, de jeter les chrétiens aux lions, car non seulement les chrétiens sont aujourd’hui une espèce en voie de disparition, mais de plus les lions modernes, ces pauvres chochottes, ne digèrent pas la vieille carne. L’abolition progressive de l’esclavage au cours des deux derniers siècles a également porté un coup dur aux coutumes ancestrales italiennes, laissant de moins en moins de place à la perversité qui avait fait la réputation de ce viril pays (on peut dire que l’Espagne, qui a su maintenir avec la corrida une tradition barbare de l’entertainment de masse, détient aujourd’hui la palme du vice). Mais, Dieu merci, l’Italien n’est pas seulement vicieux, il est également malin. Ce qu’il ne peut plus faire pour de vrai pour assouvir ses plus vils penchants, il le fait pour de rire en simulant, grâce à la magie du cinéma, les horreurs et les vices qui ont longtemps nourri sa culture… C’est ce qu’on appelle le cinéma Bis.

Le cinéma Bis, c’est l’Italie des Italiens tels qu’en eux-même. Une porte grande ouverte sur l’âme de ce peuple à l’atavisme bâillonné, a qui cette année le festival a décidé de rendre sa voix le temps de quatre séances vicieuses, en laissant la parole à quelques uns de ses plus illustres porte-flambeaux : Mario Bava, Lucio Fulci, Ruggero Deodato et un quatrième dont le nom a échappé à l’histoire du cinéma. Vous voulez savoir ce qui passe dans la tête de votre voisin italien lorsqu’il vous salue d’un sourire poli en agitant les mains ? Vraiment ? Tant pis pour vous, on vous aura prévenu.
Souvenez vous : il y a des images que la rétine n’oublie pas…

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