Carte Blanche à Pascal Laugier
Une carte blanche, c’est d’abord un honneur intimidant : «Merci beaucoup mais…euh… Vous êtes sûrs?»
Dans un deuxième temps, arrive la possibilité du plaisir : «Putain… C’est une occase, quand même… Quel film j’aimerais vraiment revoir et partager sur grand écran et en 35mm s’il vous plait ?»
C’est enfin un jeu intellectuel qui comble le névrosé des listes, le fêlé des classements que je suis… Peu ou prou le principe de « l’ile déserte » et de ce qu’on y emmènerait si on devait y passer le restant de nos jours… Tout le monde a joué à ça… Moi, ça finit toujours par me plonger dans des abymes de tourments et de perplexité.
Aucun humour, aucun recul, c’est très sérieux.
Trois films pour se résumer, vraiment ?
Mon petit goût à moi, empiriquement échafaudé depuis vingt-cinq ans au grès de tergiversations, revirements et autres doses de mauvaise foi diverses, peut-il décemment se réduire à trois œuvres quintessentielles faisant in fine l’impasse sur TOUTES les autres ?
Sans même parler de ces foutues questions d’image et d’égo à la con… Disons que je choisisse spontanément un Lucio Fulci très gore, un bon vieux Giallo et un John Carpenter première période… Vont-ils définitivement en déduire que je ne suis qu’un bissophile monomaniaque ressassant la nostalgie mortifère d’une époque crevée qui ne reviendra jamais ?
Du genre « vieux bouc marmonnant de cinémathèque » ?
Ne faudrait-il pas, au contraire, couper court aux archétypes paresseux, de ceux qui poussent par exemple neuf journalistes sur dix que je rencontre à me demander : « Et l’avenir du cinéma de genre en France, vous le voyez comment ? » ou bien : «Le dernier Dario Argento, franchement, vous avez trouvé ça bien?»
Que faire ? Tenter une contre-programmation orgueilleuse en choisissant trois films de mon jardin secret tout aussi aimés et parfaitement inattendus?
Disons Ma Nuit chez Maude, La Gueule Ouverte et Sans toit ni Loi ?… Ma misérable réputation en serait sacrément relancée, j’allais dire « dialectisée », mais ne serait-ce pas le type de posture que je supporte précisément plutôt mal chez les autres ?
Bon Dieu, rien n’est simple… Mais puisqu’il faut quand même se résoudre à arrêter ses choix… Sans plus de cynisme ni de stratégie… Puisque la vaillante équipe des hallucinés collectifs attend impatiemment d’imprimer le programme… Lançons nous et tentons une rhétorique auto-justificatrice à base de « pourquoi » et de « parce que »…
Un grand MERCI à Cyril et aux autres Collectifs Hallucinés pour le bonheur de cette carte blanche !
Pascal Laugier