
Réalisation : Dominique Goult
Année : 1980
Origine : France
Durée : 88 min.
Auteur d’une poignée de films pornographiques sous le nom de Richard Stephen, Dominique Goult livre avec Haine son premier et unique film non classé X. Cette proposition atypique dans le paysage français s’inscrit dans un genre déjà lui-même à la marge : pour faire synthétique, une sorte de thriller rural teinté de drame (ou l’inverse) aux accents de western flirtant avec le fantastique.
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En opposition au caractère dépouillé de l’intrigue, le réalisateur cherche à maximiser le potentiel cinématographique de son décor, transformant peu à peu un univers a priori connu en véritable Far West franchouillard, à la fois réaliste et irrationnel. L’arrivée à l’écran du héros, seul sur la route à moto, tel un cowboy solitaire traversant de grandes étendues, vient autant parasiter le quotidien des villageois que les quelques repères que le spectateur vient de se façonner. D’un environnement, au sein duquel on se sent rapidement familier, émerge alors une ambiance anxiogène, s’accentuant à mesure qu’éclatent et se multiplient divers conflits entre l’homme et la population locale. Mutique et trouble, la figure martyre de l’étranger campée par un Klaus Kinski très convaincant à contre-emploi (ceux qui se souviennent de sa prestation dans Le Grand silence de Sergio Corbucci verront ici son quasi parfait contraire) gagne en empathie à travers ce qu’elle subit presque plus que par ses actes. Geste à la fois naïf et fort : faire naître une forme d’amour à travers la haine la plus gratuite et la plus rance.
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Tout en empruntant divers archétypes hérités de la série B — tant dans sa construction simple, que certains n’hésiteront pas à qualifier de simpliste, que dans ses enjeux et ses acteurs —, Haine bifurque vers l’hyperbole biblique, dévoilant au passage des velléités d’auteur inattendues. Alors que la très large majorité des personnages sont dépourvus de prénoms et en quelque sorte d’identité autre qu’un stéréotype, un seul échappe totalement à ce constat : celui campé par Maria Schneider, Madeleine, rejetée par une communauté l’ayant désignée telle la « traînée » du village, indigne de les fréquenter. Son rapprochement avec l’étranger, martyr de plus en plus christique au fil des minutes, vient apporter un soupçon d’humanité à l’intérieur d’une œuvre observant la déliquescence de cette notion, où les bas instincts et la lâcheté d’une minorité contaminent le reste de leurs semblables.
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À la fois imparfait et fascinant, Haine fait l’effet d’un film arrivé soit trop tôt (pour son propos), soit trop tard (pour sa forme), et qui jouit aujourd’hui d’une résurrection inopinée mais bienvenue.
Extraits d’un texte de Vincent Nicolet pour Culturopoing :
https://www.culturopoing.com/cinema/sorties-dvdblu-ray/dominique-goult-haine-1980/20190719/comment-page-1