Hallucinations Collectives

Lorsqu’il a entamé son documentaire sur Crumb, Terry Zwigoff se doutait-il qu’il allait aussi accoucher d’un formidable regard sur la violence et l’ambiguïté des rapports familiaux ? Loin d’être un bête résumé de la carrière de l’auteur, son film s’intéresse à l’homme, à l’artiste, ainsi qu’à l’environnement qui les a façonnés. Et sur ce dernier point, les rencontres avec les membres de sa famille (ceux qui ont accepté de témoigner…) se révèlent aussi sordides que poignantes. Brutalement honnête, cette plongée dans l’intimité du jeune Crumb permet de comprendre l’artiste, sociopathe un brin exhibitionniste qui ne semble tomber son masque ricanant que lorsqu’il parle d’art – le sien ou celui des autres – ; mais explique-t-elle aussi la misogynie ou le racisme dont Crumb a été accusé ? Les excuse-t-elle ? Libre à chacun de se faire son opinion. Bien que datant de 1994, l’édifiante étude de Zwigoff est brûlante d’actualité, et, sans complaisance aucune, bien au contraire, et montre que réduire sans nuance un Crumb, un artiste, et plus généralement un être humain, à l’étiquette « salaud » ou « génie » serait emprunter un chemin par trop simpliste.