En 2012, une des œuvres de Mr. Garcin est utilisé par la Marvel comme couverture du n°700 de The Amazing Spiderman : c’est un collage impressionnant,reprenant l’ensemble des personnages découpés à même les aventures imprimées du personnage pour les unir en un œil gigantesque de l’homme-araignée. Cette première consécration ne doit rien au hasard : elle vient couronner une passion qui remonte à loin, et une réappropriation des icônes contemporaines de la pop-culture qui ne se limite pas à un effet de citation tendant vers la réexploitation cynique.
Mr Garcin découpe et ré-assemble depuis son enfance les comics comme une sorte de DJ graphique ; il trouve son inspiration dans la production BD pléthorique qui a vu grandir les dernières générations, peuplée de héros qui représentent un idéal de justice et de moralité, et ont commencé à vieillir en même temps que leurs fans – n’oublions pas par exemple que Batman est aujourd’hui âgé de 77 ans.
Délaissant la vision du surhomme aventurier et conquérant de sa jeunesse, Mr. Garcin a commencé à porter son attention sur la dimension proprement graphique de ses productions, en insistant sur leurs processus de fabrication comme sur leurs paratextes, et sur l’identification émotionnelle créée chez les lecteurs. Puis il a approfondi son approche pour embrasser une nouvelle dimension de la perception des super-héros qui vaut comme un prolongement critique de la mythologie contemporaine fabriquée par leur intermédiaire. En peuplant sa production et ses reprises de leurs apparitions et figures multiples, Mr Garcin donne vie à plus qu’une tradition : il construit un discours graphique sur la répétition, la transformation infinie de ces personnages qui ont évolué en fonction des époques tout en gardant une forme unique de par leur signature visuelle aussi reconnaissable qu’une marque.
Sa volonté de traduire l’intégralité de leurs parcours historiques au sein de vitraux démesurés que le spectateur peut embrasser d’un seul coup d’œil donne vie au caractère sacré de ces personnages aujourd’hui. Mr Garcin se fait l’écho en cela de la saturation informative propre à notre époque et de la surreprésentation qui lui est associée. On est confronté aussi bien au vieillissement de héros usés jusqu’à la corde qu’à leur transformation en symboles vides et omniprésents d’un attachement affectif d’autant plus sensible que l’auteur ne fait rien pour dissimuler les traces de sa fabrication, la réappropriation émotionnelle d’époques révolues pour revenir à l’indépassable de la forme. La dimension graphiquement saisissante de ces formes nées de l’accumulation rappelle la monstruosité comme la force de ces « logos » qui ont maintenant plus de poids pour nous réunir que les messages politiques de toute sorte. Mr Garcin joue en cela moins le rôle d’un laudateur que d’un révélateur social.
Suite à ses premiers succès, ses œuvres ont été présentées dans de nombreuses expositions collectives et un show solo lui a été consacré en 2015 à la galerie Arludik à Paris, signe de l’intérêt croissant du public pour sa pratique.
Texte par Michael Verger.