Hallucinations Collectives

On a longtemps considéré Opéra comme le chant du cygne d’Argento, le film qui devait entériner la chute du maître après la déception qui accueillit Phénomena, son précédent métrage. Opéra ne connut d’ailleurs pas les honneurs d’une sortie salle dans l’Hexagone, où on le découvrit sur les rayons des vidéo-clubs dans une version fâcheusement recadrée, il y a tout juste trente ans. Pourtant le film est loin de mériter le sort qui lui fut fait à l’époque.
Extravagant et flamboyant, il porte indiscutablement la griffe du réalisateur de Suspiria. Argento, grand amateur d’opéras classiques, s’attèle au projet après s’être vu refuser l’adaptation sur scène du Rigoletto de Verdi. L’idée géniale du film est d’installer son intrigue de giallo au sein de la production d’un opéra classique, le style baroque inhérent au premier s’accordant parfaitement à la grandiloquence des décors du second. C’est peut-être aussi ce cadre naturellement stylisé qui dispense Argento d’esthétiser ses meurtres, dont la violence crue dérouta sans doute à l’époque les aficionados du cinéaste. Rien qui ne devrait choquer particulièrement ceux qui, depuis, ont vu Le Syndrôme de Stendhal. Opéra reste malgré tout un des films les plus brutaux de son réalisateur.